Académie de Poitiers

Entretien avec Simon Tournerie – professeur de SVT – réalisé au laboratoire Techné le 8 avril 2019

Lien sur le centre de Connaissances et de Culture (3C) de l’établissement
https://archiclasse.education.fr/Du-CDI-vers-un-Centre-de-Connaissances-et-de-Culture

 

Informations générales

Situé à Niort, préfecture des Deux-Sèvres, le lycée de la Venise Verte est un établissement d’enseignement général et technologique. Il accueille également cinq sections préparant au BTS ainsi que deux classes préparatoires aux Grandes Écoles (CPGE). L’effectif accueilli est d’environ 1400 élèves (dont près de 400 en filières post-bac).

A la rentrée 2018, le lycée a inauguré un Centre de Connaissances et de Culture (3C) labellisé Future Classroom Lab dans les locaux de l’ancien CDI (cf. lien).

5 RUPN (Référents pour les Usages Pédagogiques du Numériques) contribuent à la diffusion des pratiques innovantes en matière de numérique éducatif. Des temps formels sont consacrés aux échanges à ce sujet (une permanence hebdomadaire sur la pause méridienne) mais l’équipe souligne qu’une partie des échanges se fait de façon plus informelle, à la demande et selon les besoins.

L’établissement a mis en place une approche raisonnée du BYOD, régi par une charte spécifique à l’établissement. L’idée centrale est de réfléchir les adaptations pédagogiques et les nouvelles opportunités offertes par le 3C ou le Byod avec un credo : rendre les élèves davantage acteurs de la construction de leurs connaissances et compétences.

L’établissement a acquis une licence Gsuite Education, compatible avec la RGPD.

Sur l’interviewé
Simon Tournerie est en poste au lycée de la Venise Verte depuis la rentrée 2014. Il y avait réalisé un stage professionnel en 2006. Au cours de sa formation, il a rencontré trois tuteurs qui ont conduit au développement de sa culture numérique dans le champ pédagogique.
Il considère l’espace et le temps de la classe comme un laboratoire de pratiques où il possible (souhaitable) d’expérimenter.

 

Rapport aux élèves

Son rapport aux élèves a beaucoup évolué depuis le début de sa carrière. Il dit être passé d’un schéma classique, frontal à un schéma côte à côte. L’intervention magistrale a quasiment disparu de ses pratiques en classe. Il est majoritairement dans l’accompagnement. Pour ne plus être transmissif  “il faut avoir mis quelque chose en place”.
Son changement de posture en classe résulte de ses lectures des travaux de Dominique Bucheton qui l’ont amené à interroger ses postures et gestes professionnels. Il a également beaucoup consulté des retours d’expériences de collègues. La découverte d’outils est venue par la suite. Simon Tournerie a envisagé toutes ces expériences, outils comme autant de leviers susceptibles d’agir sur la motivation, l’engagement dans les activités scolaires, l’estime de soi de ses élèves (et de lui-même).

Dans sa pratique personnelle, l’apport le plus important du numérique concerne l’économie de temps par la mise à disposition des ressources qui lui permet davantage de différenciation pédagogique et de suivi individualisé.

Depuis 3 ans, toutes les ressources sont mises à disposition des élèves. Ils ont accès, via une plateforme, aux compte-rendu des TP, à une trace écrite du cours, des quizz et des corrigés. L’objectif est que chacun puisse avoir, en tout temps et en tout lieu, accès au ressources.
Cette plateforme est enrichie par des ressources créées par les élèves eux mêmes.

Des élèves “créacteurs” - illustration d’une séance de TP

Avec les 1ère S, la 1ère séance de TP est “lancée” par Simon Tournerie. Pendant que les élèves réalisent le TP en suivant les consignes données, il le construit en parallèle avec 2 ou 3 élèves, leur donne les attendus de cette séance. Ces élèves disposent ensuite d’1h30 pour construire un quizz (à l’aide de Google Form de GSuite Education) pour vérifier, auprès de leurs camarades, la compréhension de la séance, la construction des connaissances visées. Au cours de la séance, ces élèves vont pouvoir tester leur quizz auprès d’un groupe (compréhension, avis). Lorsque le questionnaire a été validé, il est mis en ligne par le petit groupe créateur au cours même du TP. Ce questionnaire autocorrectif doit permettre à chaque élève de se positionner. Chacun doit le renseigner entre le TP et le cours suivant. Les élèves créateurs animent le retour (“tout le monde a compris, on passe”, “beaucoup ont mal répondu à une ou plusieurs questions, on reprend le point en cours”).

En terminale, le fonctionnement s’approche de la classe inversée. Les élèves lisent le cours chez eux et doivent préparer des questions qu’ils rédigent et soumettent sur Google Form. Simon Tournerie prend connaissance de leurs questions en amont du cours et y répond en structurant “comme un cours”, dans un ordre logique. Le cours apporte ainsi des réponses à des questions formulées par les élèves.
Sa volonté est d’utiliser le temps de cours le plus possible pour l’apprentissage et la mémorisation.

 

Rapport au savoir

Simon Tournerie souligne que cette possibilité d’accéder aux ressources en tout lieu et en tout temps ne modifie pas la posture de certains élèves face au travail scolaire : “les élèves qui ne faisaient pas leurs devoirs avant ne les font pas plus maintenant”.
Néanmoins, il note que lorsque les élèves ont la main sur leur parcours (plan de travail, activités à la carte), ils sont beaucoup plus impliqués. Le fait d’avoir le choix est très engageant. De plus, les élèves n’ont pas de frein (en tout cas beaucoup moins que les enseignants) pour découvrir et prendre en main des outils qu’ils ne maîtrisent pas et acceptent davantage la prise de risque.

 

Sur espace, mobilité

En TP, les élèves travaillent en îlots de 3 (car pas de quoi fournir un ensemble matériel par élève). Les élèves sont très mobiles car beaucoup d’éléments nécessaires à la réalisation du TP sont mutualisés (ex : culture cellulaire sur le bureau de l’enseignant).
La mise en îlots favorise les interactions et facilitent l’émergence des conflits sociocognitifs.
En cours, Simon Tournerie essaye de favoriser la mobilité et les échanges. “Dans le 3C, la mobilité est un peu la règle”.
Le 3C est perçu par S. Tournerie comme un laboratoire qui facilite les choses, permet de casser la routine, les codes.
Il dit s’être pas mal inspiré de l’expérience de Laëtitia Léraut au lycée André Theuriet (Civray) et notamment du projet de création de vidéos pédagogiques par les élèves “Aujourd’hui c’est moi le prof”.

 

Formation

L’offre du plan académique est très riche mais ne propose pas forcément une temporalité en phase avec les besoins. Quand le besoin est identifié, il n’est pas possible d’attendre la formation.
Simon Tournerie participe voire anime des temps de co-formation :

  • rencontres académiques du numérique (“ne répond pas à des besoins mais en créent plutôt de nouveaux”)
  • Journées de l’innovation
  • Semaine de la classe inversée qu’il organise au Lycée
  • Ateliers Canopé
  • Formations d’initiative locale à la demande d’établissements

Autre

Simon Tournerie déclare ne pas être fervent du Byod qu’il juge source d’inégalité (équipement, forfait).
Il souligne également que le temps peut être un frein aux changements de pratiques : temps de prise en main des multiples outils (“on ne peut pas être expert sur tout”) et temps pour réfléchir et échanger sur ses pratiques pédagogiques.
Mais s’il s’est lancé dans cette “aventure”, c’est parce qu’il est convaincu que c’est une vraie plus-value pour ses élèves et que le temps de travail supplémentaire pour mettre tout cela en place lui en fera gagner à l’avenir.


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