Académie de Reims

Entretien avec la Directrice de l’établissement, l’adjointe et des professeur-e-s-
réalisé in situ le 2 avril 2019

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Collèges lab – Le Collège Lab de Cormontreuil
Collège Pierre de Coubertin (Cormontreuil) — Site de l’Institut Français de l’Education

Informations générales

Depuis 2017 le Collège Pierre de Coubertin a adopté le projet Collège Lab, « Ensemble Construisons Demain », accompagné par le Conseil départemental de la Marne, la DANE et la CARDIE du rectorat. Il est entré dans une phase innovante, tant au niveau du numérique éducatif, qu’en matière d’agencement des espaces et du cadre de vie scolaire.

Tout un chantier a donc commencé et se poursuit aujourd’hui: classe expérimentale (chaises mobiles, écran tactile mobile, murs d’écriture etc.), utilisation du matériel personnel des élèves (BYOD : smartphone, écouteurs), mise à disposition de chariots avec une batterie d’iPad (3 × 15), transformation des espaces (salle de repos, modification du hall d’activités pour tendre vers un lieu de détente, plus convivial, musical, propice à des moments de lecture).

Le collège recense un certain nombre d’objectifs liés à ces transformations, parmi lesquels : « trouver d’autres formes d’organisation pédagogique intégrant le numérique », « éduquer aux usages pertinents du numérique », « rendre les élèves davantage acteurs de leurs apprentissages », ou encore, « favoriser l’égalité des chances et l’égalité filles/garçons ».

Nombre de rapports sont ainsi en train de changer, parmi lesquels, notamment, le rapport à l’information/la connaissance ou les rapports entre les élèves et les enseignant-e-s.

Insufflant un nouveau vent sur le fonctionnement de la classe, les iPad, mais également la mobilisation d’un dispositif BYOD, offrent la virtualité d’un renouvellement des pratiques pédagogiques comme de réelles innovations en la matière, portées par les enseignant-e-s les plus « enthousiastes », (auto-)formés ou en cours de formation. Preuve que l’utilisation des iPad fonctionne : l’agenda de réservation est plutôt saturé et cela n’est d’ailleurs pas sans générer quelques frustrations, lorsque les besoins en matériel des uns et des autres se superposent.

Les professeur-e-s se sont auto-formé-e-s notamment via les blogs et les réseaux sociaux, lieux importants de diffusion des pratiques pédagogiques et des innovations en matière de numérique éducatif. Les échanges entre collègues restent évidemment un moment privilégié. Pendant un temps, un café numérique avait même été organisé mais il n’a pas réussi à mobiliser suffisamment de personnes. Toutes et tous ont cependant été accompagnés par la DANE du rectorat. Tout le corps enseignant a en effet été formé. Reste ensuite la possibilité ouverte à tous à chacun de s’engager, selon ses moyens et sa volonté, dans la voie du numérique éducatif, en étant accompagné par la correspondante DANE qui accompagne le projet Collège Lab.

Nous avons particulièrement recueilli l’avis des professeur-e-s sur les nouveaux procédés éducatifs mis en place depuis ces derniers mois (rentrée 2018) au moyen de la mobilisation du BYOD et des iPad. Différentes disciplines étaient représentées : SVT, physique-chimie, mathématiques, éducation physique et sportive, français ; et également une professeure documentaliste. Il ne faut toutefois pas se méprendre : sur la petite quarantaine d’enseignant-e-s qui travaillent au collège, quelques-un-e-s seulement sont réellement engagé-e-s dans le numérique éducatif. D’autres, plus réfractaires à celui-ci, n’étaient pas présents lors des échanges. Cela peut s’expliquer, en partie du moins, par un effet générationnel selon certains : le corps enseignant au sein du collège est plutôt âgé, plus en fin de carrière et donc plus réticent à changer certaines de ses pratiques pédagogiques, repensées à l’ère du numérique. Par ailleurs, si les professeur-e-s de langue étaient absents, il faut savoir que l’académie s’est équipée il y a un peu moins de 10 ans en baladodiffusions : se former à l’utilisation de nouveaux outils ne fait peut-être pas partie de leurs priorités immédiates.

Finalement, comme il a été rappelé durant cette rencontre, il n’y a pas d’injonction au sein de l’établissement à se lancer dans ce type de changements : il s’agit avant tout de montrer ce qu’il est possible de faire, d’échanger sur les pratiques des uns et des autres et de laisser la volonté de chacun-e s’exprimer, en accompagnant les personnes désireuses de s’investir dans la mobilisation de telle application ou outil.

Rapports à la connaissance

  • Possibilité pour les élèves d’aller à leur propre rythme (les plus rapides peuvent faire autre chose ensuite) mais il y a aussi la virtualité d’une individualisation de l’apprentissage, dans une acception plus négative puisque la « leçon » n’est pas faite pour le tout le monde, en même temps, avec la possibilité de revenir sur ce qui n’est pas bien compris sur le moment. Ils peuvent, par exemple, individuellement s’approprier le contenu d’une courte vidéo (iPad). Cependant, cette autonomie laissée montre que les écarts peuvent se creuser, notamment lors de la mise en commun.
  • Au début, l’utilisation des iPad a généré de l’enthousiasme de la part des élèves (qu’il a fallu gérer, gestion de classe), puis vient ensuite la normalisation et la scolarisation de l’outil. Cependant, les élèves peuvent être demandeurs si cela fait longtemps qu’ils n’ont pas travaillé avec cet outil.
  • Un rapport potentiellement différent à la connaissance est recherché de la part des professeur-e-s: plus ludique ou compétitif-stimulant également, selon l’application qui est utilisée (quizz, Kahoot, jeux sérieux, Merge cube en SVT (pour voir des organes en réalité augmentée, par exemple), application de comptabilité des points, pour faire des tournois, en EPS etc.).
  • Les applications peuvent être utilisées comme outils pour appliquer/compléter/réviser des contenus de cours, pour des usages ponctuels, pour certaines parties de séquences.
  • Les professeur-e-s ne parviennent pas vraiment à statuer sur les bienfaits de l’usage de telles technologies numériques quant à la réduction des différences de niveaux. Au contraire, ils affirmeraient plutôt que, ou bien elles ne se réduisent pas (on en reste à l’idée de chacun à son rythme, selon ses capacités) ou bien elles auraient même tendance à les accentuer (les plus rapides vont encore plus rapidement dans le travail à effectuer).
  • Doutes quant à l’amélioration/la facilitation de l’appropriation des connaissances : l’usage des iPad ne fait pas tout. D’ailleurs, l’autonomie relative laissée aux élèves dans l’appropriation de contenus va souvent/toujours de pair avec des moments de mise en commun, avec des traces écrites, qui restent finalement nécessaires.
  • Déspatialisation de l’accès à la connaissance : possibilité de regarder des capsules vidéo depuis chez soi, utilisation des applications pour réviser les contenus de cours, continuation de jeux sérieux à la maison.
  • Une formation aux outils reste globalement nécessaire pour les élèves : pas d’utilisation intuitive d’une tablette ou de certaines fonctions (mails, envoyer un document etc.).

 

Rapports à l’espace et au temps

  • Avec le BYOD / les iPad, plus de possibilité pour se déplacer, changement de la posture de l’enseignant au sein de la classe ; moins être devant son tableau, plus « au milieu » des élèves, distribuer différemment l’attention dont ont besoin les élèves.
  • La salle expérimentale qui dispose de chaises mobiles (dotées de tablettes sur lesquelles peuvent reposer les affaires de chacun), de murs et tables d’écriture, facilitent la mobilité des élèves au sein de la classe, le déplacement d’une zone de travail à une autre, les interactions pédagogiques se voient aussi modifiées (entre élèves, élèves/enseignant-e).

Rapports à soi et aux autres

  • Responsabiliser les élèves avec les iPad, aller vers plus d’autonomie dans la gestion du travail à faire (utilisation d’un plan de travail, « apprendre à apprendre »). Adopter une posture de « débrouille » mais aussi de coopération entre élèves, pour ne pas être dans la sollicitation immédiate du professeur.
  • Mobilité de l’enseignant, changement du rapport professeur-e/élève. Il s’agit de rendre possible une nouvelle posture enseignante : « on n’est pas du tout le médiateur du savoir… on permet l’accès au savoir, [mais] on n’est plus un canal de diffusion… on recentre les choses, on donne accès aux bonnes informations… », affirmait un professeur de SVT. Mais il est aussi question de se rendre disponible pour accompagner les élèves dans la manipulation des applications, des outils, si les élèves rencontrent des difficultés (connexion, accéder à des contenus etc.).
  • Néanmoins, les professeur-e-s maintiennent globalement que la classe « transmissive » reste pertinente, qu’il faut trouver un bon dosage en quelque sorte entre une posture de professeur-e comme sujet de connaissances et comme accompagnant.
  • Possibilité d’une individualisation de la relation pédagogique avec les iPad, « petites bulles » pour répondre à des besoins spécifiques de tel ou telle élève. Des situations qu’il est plus difficile de créer lors de classes traditionnelles.
  • Activer le travail collaboratif/coopératif entre les élèves – ce qui peut ne pas convenir à certain-e-s élèves, plutôt têtes de classe, qui préfèrent entretenir plutôt l’aspect « individualiste » de l’apprentissage. Par exemple, en cours de français, en mettant en place un atelier d’écriture collaborative via Framapad. Chaque élève a un iPad ou éventuellement un pour deux élèves. Les élèves peuvent, via le site, écrire une phrase, rectifier, tandis que l’historique permet de revenir sur ce qui a été corrigé.
  • Amener un débat autour de l’usage de technologies, par exemple une séquence en français a été menée sur « mesurer l’influence des réseaux sociaux sur l’amitié ». Une éducation sur l’image de soi et des autres sur Internet, les réseaux sociaux, reste encore à faire : le lundi matin, la principale et son adjointe réservent ce temps pour gérer les conflits du weekend survenus suite à des photos, commentaires postés par les élèves. (Education aux médias et à l’information qui doit mieux prendre en compte les pratiques numériques des élèves et ce qu’elles engagent (rapport à l’image, à l’information etc.))

Rapports à la créativité

  • Utilisation d’une imprimante 3D (cours de SVT). Présence d’un club de robotique au sein de l’établissement, pris en charge par une personne en service civique.
  • Photos et commentaires des expérimentations effectuées en classe, plus précis que les dessins des élèves (cours de SVT).
  • Ecriture d’un texte collaboratif, à plusieurs mains via Framapad, en cours de français (division des responsabilités, possibilité de revenir sur ce qui a été écrit, de corriger, scénarisation etc.).
  • Utilisation d’images libres de droit, réalisation de vidéos (scénarios) en parallèle d’un salon littéraire, puis mises en QR codes pour être scannés lors de l’événement (activités mises en place avec la documentaliste de l’établissement notamment).

 

Quelques points de vigilance

L’équipe rencontrée apporte quelques nuances ou limites quant à l’introduction et l’usage au quotidien des technologies numériques.

Ainsi, la question de l’attention est abordée comme un élément de vigilance. L’introduction d’éléments de pédagogie nouvelle ou “différente” rend parfois difficile le maintien de l’attention des élèves sur le contenu.

Mais l’enseignant de mathématiques pointe une demande des élèves pour plus de mobilité et des changements de configuration dans la classe. Il pointe également qu’il ne faut pas avoir peur de se lancer mais que pour autant, il ne s’agit pas de penser l’intégralité de la pédagogie avec le numérique : “il y a aussi du traditionnel”. La professeure de SVT annonce quant à elle son attachement au papier. Globalement, l’équipe voit le numérique comme un élément facilitateur de la pratique enseignante dans le cadre d’utilisations ponctuelles (facilitées par une très bonne connexion wifi au sein de l’établissement).


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